Une molécule réduit spectaculairement les impacts de la sclérose en plaques. Mais ses effets secondaires tempèrent l’enthousiasme.
Le neurologue Alasdair Cole, de l’université de Cambridge, ne mâche pas ses mots lorsqu’il parle du traitement qu’il développe contre la sclérose en plaques : « S’il est administré suffisamment tôt, ce traitement pourrait stopper l’avancée de la maladie et rétablir des fonctions perdues. »
De fait, lors d’un essai clinique, l’alemtuzumab a réduit de 71 % le risque des malades de développer un handicap supplémentaire [1]. « C’est un produit remarquable en terme d’efficacité », appuie Christian Confavreux, neurologue au CHU de Lyon. Mais ses effets secondaires sont très importants. Dès lors, a-t-il un avenir ?
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central qui apparaît chez le jeune adulte. Elle évolue souvent par poussées au cours desquelles les symptômes (faiblesse musculaire, gêne oculaire, etc.) apparaissent puis disparaissent brusquement. Plusieurs médicaments permettent de les alléger. C’est le cas de l’interféron bêta. D’une efficacité « modérée mais prouvée » – il réduit de 30 % la fréquence des poussées –, il est d’une grande sécurité d’emploi, même à long terme.
C’est à l’aune de ce traitement qu’a été mesurée l’efficacité de l’alemtuzumab. Cet anticorps est « l’immunosuppresseur le plus puissant qu’on connaisse », explique Thibault Moreau, vice-président de l’Association pour la recherche sur la sclérose en plaques, auteur du premier article sur cette molécule en 1994 [2].
Celle-ci se lie à un récepteur présent sur des globules blancs impliqués dans la maladie et conduit à leur destruction. Dans un essai de phase 2 (tolérance), mené sur 334 patients atteints d’une SEP débutante, cet anticorps a été injecté à une partie des volontaires, tandis que les autres prenaient de l’interféron bêta. L’anticorps a réduit de 74 % le nombre de poussées chez les malades, par rapport à l’interféron, du jamais-vu.
« Le gros problème, c’est sa dangerosité », note toutefois Christian Confavreux. L’essai a été arrêté deux fois, à la suite du décès d’un patient et en raison d’effets secondaires induits. « À court terme, il provoque des complications thyroïdiennes et rénales », ainsi que des hémorragies au niveau de la peau, du tube digestif, voire du cerveau. À long terme, un cas de cancer du système lymphatique a été rapporté.
Un tel contraste entre l’efficacité et les effets secondaires a déjà été noté pour un autre traitement de la SEP : la mitoxantrone. « On la réserve donc à des formes très actives de la maladie », précise Christian Confavreux, qui juge aussi à propos de l’alemtuzumab qu’« il est déraisonnable d’envisager de proposer ce traitement à tous les malades ». Deux essais de phase 3 sont en cours. Seuls ces derniers, menés sur un grand nombre de patients, permettront de s’assurer du réel bénéfice de ce traitement.
Sophie Coisne